ENTRE MIMETISME PARENTAL ET INJONCTIONS SOCIETALES A SE CONNECTER : les enfants sont plus conditionnés que dépendants aux écrans

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Au regard des données indiquant la pauvreté du niveau de lecture des jeunes (et des moins jeunes d’ailleurs), une augmentation des troubles de la concentration et du développement chez l’enfant, des cas d’une épouvantable violence psychologique et physique qui touchent et tuent désormais presque chaque jour les adolescents (la liste des pertes et fracas est encore malheureusement bien longue), n’est-il pas temps, urgent et responsable de se poser les bonnes questions pour trouver enfin des réponses et solutions qui traitent vraiment ? Parce que nous sommes bien d’accord que la prévention est indispensable et a ses vertus. Mais elle atteint ses limites dans une actualité aujourd’hui où l’illimité a pris le dessus.

La dépendance aux écrans des enfants et adolescents fait la une de tous les magazines et émissions. Les jeunes sont à la fois désignés comme victimes et coupables de ce fléau numérique. De mon point de vue et conviction, ils ne sont pas addicts. C’est pire, ils sont conditionnés, pénétrés par le numérique. Ils sont nés dans une société digitale et ont grandi dans un univers connecté. Les premiers connectés étant leurs parents eux-même. Sachant que les apprentissages fondamentaux se font sur la base du mimétisme, il est aisé de comprendre alors que les enfants ont simplement empreinté e t s u i v i l e chemin qu’on leur a montré. Ils ont suivi l’exemple. C’est bien une problématique de parentalité et d’exemplarité que nous rencontrons aujourd’hui bien plus que d’addiction. Ceux à qui l’industrie du numérique a offert en un objet la magie, la toute puissance, la connaissance sans limite, l’immédiateté, l’invisibilité, une forme de « téléportation » et « d’immortalité », la possibilité d’identités multiples, la double vie (réelle et numérique) sont biens les adultes, les parents. Ceux qui sont aujourd’hui incapables de s’en passer, ce sont eux. De toute façon, la société aujourd’hui est construite et fonctionne sur cette utilisation digitale partout et pour tout. On peut affirmer qu’il y'a pour chacun de ses membres, petits et grands, une injonction à se connecter. Qu’elle se questionne et se préoccupe aujourd’hui pour ses jeunes quand à la relation des écrans interroge. La dissonance du discours entre l’injonction à se connecter et les recommandations à la déconnection laisse perplexe.

Nous avons fait grandir nos enfants avec ces écrans sous leurs yeux avant de leur mettre entre les mains. Ils sont aujourd’hui constitués de cet objet et autour de lui. Ils en parlent parfaitement la langue, connaissent et maitrisent tous les codes. J’y vois plus un phénomène de conditionnement que de dépendance. Aujourd’hui, retirer les écrans à un enfant est vécu par ces derniers comme une amputation. Certains parents ont d’ailleurs du mal à restreindre, pas seulement par faiblesse ou facilité mais aussi par crainte de les « démembrer », du vide que cela va laisser en eux.

Pour trouver les bonnes et vraies solutions, il est indispensable de regarder le vrai problème. La dépendance aux écrans est une question d’éducation et d’exemplarité. Il serait ridicule et totalement stérile de nier et critiquer le progrès qui fait l’avancée du monde. Nous sommes bien content par exemple de l’invention de l’électricité qui a soulagé l’homme et apporté de multiples avantages. Pas question de revenir aux bougies ou lampes à pétrole. Puisque la société est désormais numérisée et connectée, il est essentiel d’avancer avec ce progrès. J’ai bien dit avancer, pas le subir. Un progrès au service de l’homme et non qui viendrait le mettre en danger. Tout le monde aujourd'hui cherche des solutions pour répondre à la problématique révélée des écrans. Il n'existe pas de remèdes magiques contre ces outils magiques avec lesquels nous allons vivre et surtout que nous aimons utiliser. C’est à la base qu’il faut reprendre les choses, c’est à dire éduquer et être cohérent. C’est là tout le devoir des adultes et de la société.